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Évolution de l'écriture secrète
 
 
 

      Le mode de communication secrète obtenu en dissimulant l'existence du message est appelé la stéganographie, mot élaboré à partir des mots grecs steganos, voulant dire couvert, et graphein, écriture. Pendant deux mille ans après Hérodote, des formes diverses de stéganographie ont été utilisées dans le monde entier. Par exemple, dans la Chine ancienne, on écrivait des messages sur une fine soie, qui était ensuite glissée dans une minuscule boule recouverte de cire. Le messager n'avait plus qu'à avaler la boule. Au XVe siècle, le scientifique italien Giovanni Porta décrivit comment cacher un message dans un œuf dur. On fabrique une encre avec une once d'alun pour une pinte de vinaigre et on l'utilise pour écrire sur la coquille. La solution pénètre à travers la coquille poreuse et dépose sur la surface du blanc d'œuf durci le message qu'on lira aisément après avoir épluché l'œuf. La stéganographie inclut aussi l'usage de l'encre invisible. Dès le Ier siècle après J.-C., Pline l'Ancien expliquait comment on fait de l'encre invisible avec le lait de l'euphorbe tithymallus : l'encre séchée est transparente, et l'on fait réapparaître le texte, coloré en brun, par un léger chauffage. Beaucoup de fluides organiques riches en carbone ont la même propriété. Ce fait n'est pas ignoré des espions du XXe siècle qui ont abandonné l'écriture invisible d'origine classique, pour improviser avec leur propre urine.

      La longévité de la stéganographie prouve qu'elle offre un minimum de sécurité, mais elle souffre d'une faiblesse fondamentale: si le messager est fouillé et le message découvert, le contenu de la communication secrète est immédiatement révélé. L'interception du message suffit à annihiler toute sécurité. Une garde consciencieuse peut fouiller automatiquement toute personne franchissant la frontière, gratter toute tablette cirée, chauffer les feuilles de papier vierges, éplucher les œufs durs, ou bien raser la tête des gens... et le message sera inévitablement découvert.

      C'est pourquoi, parallèlement à la stéganographie, se développa la cryptographie, du grec kryptos, signifiant caché. Le but de la cryptographie n'est pas de dissimuler la présence du message, mais plutôt d'en cacher le contenu, procédé que l'on nomme cryptage. Afin de le rendre incompréhensible, on brouille le message suivant un protocole mis au point préalablement par l'expéditeur et le destinataire. Ce dernier n'aura plus qu'à inverser le procédé pour rendre le message lisible, alors que l'ennemi, s'il ne connaît pas le protocole de brouillage, trouvera difficile, voire impossible, de rétablir le texte original.

      Bien que la cryptographie et la stéganographie soient des techniques indépendantes, il est possible de brouiller et de cacher à la fois le message, pour un maximum de sécurité. Par exemple, le micropoint est une forme de stéganographie qui devint courante pendant la Seconde Guerre mondiale. Des agents allemands en Amérique latine réduisirent une page de texte photographiée à un point de moins d'un millimètre de diamètre, et posèrent ensuite ce micropoint au-dessus du point final dans une lettre apparemment anodine. Ce fut en 1941 que le FBI repéra le premier micropoint, en appliquant une directive qui conseillait d'observer le moindre miroitement sur la surface d'une lettre, révélateur d'un film. Bientôt les Américains purent lire le contenu de la plupart des micropoints interceptés, sauf lorsque les agents allemands avaient pris la précaution supplémentaire de brouiller le message avant de le réduire en micropoint. Dans ces cas où la cryptographie se combinait à la stéganographie, les Américains étaient parfois capables d'intercepter les communications sans réussir à en tirer des informations sur les activités de l'espionnage allemand. De ces deux modes de communication secrète, la cryptographie est évidemment la plus performante car elle dissimule à l'ennemi le sens du message.