L'intérêt pour les hiéroglyphes
se réveilla au XVIIe siècle, lorsque le pape Sixte V dessina
dans la ville de Rome un nouveau réseau de rues, et érigea des
obélisques égyptiens à chaque carrefour. Des érudits tentèrent
de percer le sens de leurs hiéroglyphes mais en furent empêchés
par une présomption fausse. Personne n'était prêt à admettre
que les hiéroglyphes pouvaient être des caractères phonétiques,
ou phonogrammes, en particulier parce que l'idée
d'un alphabet phonétique semblait trop complexe pour une si
ancienne civilisation. Les savants de l'époque étaient persuadés
que les hiéroglyphes étaient des idéogrammes.
Pour eux, ces caractères compliqués représentaient des concepts,
et n'étaient rien de plus qu'une représentation picturale primitive.
Cette idée était déjà répandue
chez les étrangers qui visitaient l'Égypte à l'époque où les
hiéroglyphes étaient encore une écriture en usage. Diodore de
Sicile, historien grec du Ier siècle avant J.-C., écrivait :
Il arrive
que les figures des lettres égyptiennes prennent la forme
de toutes sortes de créatures vivantes et des extrémités du
corps humain et d'outils ( ..) car leur écriture n'exprime
pas les concepts en combinant des syllabes l'une avec l'autre
mais en montrant l'apparence extérieure de ce qu'on veut évoquer
et grâce au sens métaphorique imprimé dans les mémoires par
l'usage... Ainsi le faucon symbolise pour eux tout ce qui
arrive rapidement, puisque cette créature est parmi les plus
prompts des animaux ailés. Et l'idée est étendue, par le transfert
métaphorique approprié, à toutes les choses rapides et aux
choses dont la vitesse est la marque propre.
Il n'est pas surprenant que,
en se fondant sur de telles déclarations, les savants du XVIIe
siècle aient cherché à déchiffrer les hiéroglyphes en associant
un concept à chacun d'eux. En 1652, le jésuite allemand Athanasius
Kircher publia un dictionnaire des interprétations allégoriques
intitulé OEdipus aegyptiacus et l'appliqua à des
séries de traductions intrigantes et merveilleuses. Voici comment
il traduisait quelques hiéroglyphes, dont nous savons maintenant
qu'ils représentent simplement le nom du pharaon Apriès: " Les
bienfaits du divin Osiris seront sollicités par les cérémonies
sacrées et par la chaîne des Génies, afin d'obtenir les bénédictions
du Nil. " Aujourd'hui les traductions de Kircher semblent ridicules,
mais leur impact sur les autres candidats au déchiffrement fut
considérable, car Kircher n'était pas seulement égyptologue:
il a écrit un livre de cryptographie, construit une fontaine
musicale, inventé la lanterne magique (l'ancêtre du cinéma)
et il est descendu dans le cratère du Vésuve, gagnant ainsi
le titre de père de la vulcanologie. Il était
considéré et salué comme le plus grand savant de son époque
et l'on comprend que ses idées aient pesé sur des générations
d'égyptologues.
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